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Pourquoi Trump s’oppose-t-il à l’engagement des Hachd al-Chaabi en Syrie ?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Les Unités de mobilisation populaire irakiennes, les Hachd al-Chaabi, dans la banlieue de Tal Afar, en septembre 2016. ©Alsumaria

Les États-Unis sont déterminés à empêcher les Unités de mobilisation populaire irakiennes (Hachd al-Chaabi) de jouer un rôle direct en Syrie. 

Certains analystes voient même à travers les récentes manifestations à Bagdad un défi lancé au gouvernement de Haïder al-Abadi qui soutient une « présence des Unités de mobilisation populaire » en Syrie, car « sans avoir préalablement sécurisé la Syrie, l’Irak ne peut être plus sûr ». Trois semaines après l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, la très grande offensive de Daech contre Tal Afar, à l’ouest de Mossoul, où les Hachd al-Chaabi détiennent leurs positions, est à comprendre dans le même sens : les États-Unis ont peur de la naissance d’un « second Hezbollah ». 

Le site Alwaght revient sur ce point et écrit : « Il va sans dire que l’Irak n’hésiterait pas à envoyer les Unités de mobilisation populaire en Syrie, si toutefois le gouvernement syrien le lui demandait. Le Parlement et le gouvernement irakiens ne diraient pas non à une telle requête, surtout que les Hachd al-Chaabi n’ont cessé de cumuler les succès en Irak et ils pourraient ainsi reconduire leur expérience en Syrie et renforcer le front de la lutte contre le terrorisme. Le porte-parole des Hachd al-Chaabi, Ahmad al Assadi, a lui aussi annoncé que ses forces étaient disposées à se rendre en Syrie une fois Mossoul libérée. »  

Le journal s’intéresse par la suite aux liens très étroits qui existent entre la Syrie et l’Irak en termes sécuritaires et affirme que « les évolutions en Syrie et la victoire de l’armée syrienne face aux terroristes ont motivé les Hachd à aller plus loin jusqu’au sol syrien pour finir le travail, et c’est cette perspective qui pourrait d’ailleurs convaincre les députés irakiens à voter le départ des Hachd pour la Syrie » 

Et le site d’ajouter : « Cela fait trente mois que l’Irak se bat contre Daech. Une guerre dévastatrice et sans merci qui a affecté des centaines de villes et villages et qui a jeté sur le chemin de l’exode des milliers d’Irakiens. Sur cette base, les responsables irakiens ne souhaitent plus voir Daech renaître de ses cendres, mais c’est presque impossible sans que la Syrie soit entièrement débarrassée des terroristes takfiristes. Bagdad compte sur les Unités de mobilisation populaire pour aider la Syrie à éliminer Daech et autres groupes armés. » 

Alwaght revient par la suite sur la conversation téléphonique du président américain avec le Premier ministre irakien Haïder al-Abadi et évoque l’exigence de Trump envers l’Irak : « Trump a demandé à al-Abadi de ne pas envoyer les Hachd al-Chaabi en Syrie, mais avec tout ce qui vient d’être dit, il est peu probable qu’al-Abadi accepte la demande du président américain. » Et Alwaght de se demander : « Mais pourquoi Trump est-il inquiet de voir les Hachd al-Chaabi participer directement aux combats contre Daech en Syrie ? » 

Ces Unités de mobilisation populaire ont été formées après la fatwa du grand dignitaire religieux irakien, l’Ayatollah Sistani, alors que Daech faisait marche sur la capitale. Le noyau a pris forme dans le Sud irakien chiite, mais les Hachd al-Chaabi comptent dans leurs rangs des gens de toutes les religions et confessions irakiennes : sunnites, chrétiens, turkmènes... Cette force a commencé ses opérations à l’heure où Nouri al-Maliki était encore Premier ministre. Ses combattants ne disposaient alors que d’armes rudimentaires. Mais leur première victoire a eu lieu à al-Taji ; vinrent ensuite Samarra, Salaheddine et al-Anbar, qui ont toutes été libérées par les combattants des Hachd al-Chaabi. Ces victoires n’ont pas tardé à persuader le Parlement irakien de reconnaître ce corps de volontaires comme une institution militaire, ce qui lui permettra de survivre même après la fin de Daech et le retour à la pleine souveraineté irakienne. 

Le haut commandant des Unités de mobilisation populaire, Faleh al-Fayyad, a annoncé très récemment que les Hachd al-Chaabi auraient pour mission de protéger les frontières avec la Syrie après la reprise de Tal Afar. En ce sens, quand bien même al-Abadi aurait signifié à Trump le refus de l’Irak de « s’impliquer dans des crises régionales », personne ne le prend au mot : les Hachd al-Chaabi finiront par s’engager en Syrie. 

C’est ce que Washington, Riyad et surtout Tel-Aviv craignent profondément : en effet les États-Unis, l’Arabie saoudite et le régime israélien ont peur de voir émerger en Syrie le noyau d’un futur Hezbollah, une institution forte et apte à tous points de vue de contrer les scénarios américano-israéliens dans la région. Surtout que c’est une force indépendante du ministère irakien de la Défense, qui ne lui réclame qu’un soutien en logistique. Si cette force arrive en Syrie et qu’elle y remporte de nouvelles victoires, cela ne fera qu’élargir ses assises et sa popularité auprès des peuples de la région et c’est ce que les Américains ne veulent pas voir. Mais la naissance d’un second Hezbollah est inévitable. Le porte-parole des Hachd al-Chaabi l’a d’ailleurs très clairement annoncé : « La présence des États-Unis au Moyen-Orient et leurs ingérences dans nos pays nous engagent à défendre nos voisins, dont la Syrie. » Le défi est déjà lancé... 
 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV